Enjeux politiques
La médiation génère une
hétérotopie, c’est-à-dire littéralement un autre espace -physique et mental.
Les questions élémentaires « qu’est-ce que vous voyez ? » ou « qu’est-ce que vous ressentez ? » ne peuvent appeler de réponses préétablies, de connaissances antérieures ; elles mettent tout le monde à égalité.
Quand les réponses se construisent dans le questionnement collectif, le public en ressort grandi, ayant pris conscience de sa capacité -renforcée à plusieurs- de construire une véritable interprétation.
Le médiateur est donc le passeur d’une utopie au moteur profondément égalitaire.
Par ce
travail de réappropriation de l’autonomie des facultés de chacun, la médiation lutte
contre les déterminismes sociaux et individuels. Donner la parole à chacun, faire s’écouter et dialoguer des avis divergents, prendre une direction commune grâce à l’intelligence collective, c’est un projet fondamentalement politique.
Cela suppose d’être conscient des inégalités qui existent en amont, mais sans préjuger des capacités.
Enjeux éthiques
A cette dimension politique répond une dimension éthique.
La médiation relève du care non seulement en tant que mission éducative -en l’occurrence d’éducation à l’image-, mais également par son éthique. En effet, le
care, loin de se réduire au soin médical, relève à la fois d’une activité et d’une éthique. Il est centré
autour du souci d’autrui, du soin, de la délibération, de la conservation de la relation avec autrui. Il mobilise des compétences mais aussi des affects, car il s’effectue dans une grande proximité avec autrui. Ces compétences et cette éthique ne sont pas productifs au sens classique du terme, mais n’en restent pas moins essentiels pour entretenir, perpétuer, réparer notre monde de telle sorte que nous puissions y vivre aussi bien que possible.
Sur le plan concret, cela signifie que le médiateur
prend en compte les différents individus d’un groupe comme des éléments interdépendants d’un même tissu ; il veille à valoriser les singularités et en même temps l’écoute d’autrui, à ce que chacun se sente à l’aise pour s’exprimer. Il met en œuvre un
savoir-faire discret qui consiste à adapter son action, ses réactions au besoin de l’autre, à sa prise en considération.
Cela se traduit par l’écoute, la reformulation, la valorisation des tentatives d’expression, l’adaptation à chaque contexte.
Ainsi, par la place que le médiateur donne à l’individu et au groupe, par l’éthique qu’il construit, la médiation est un espace radicalement utopique.
Véra Léon
Photographie : Véra Léon